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Culture et société pyrénéenne


Le Tour de France dans les années 1950.

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L'automne est là, bientôt les jours seront courts et l'on aura le plaisir de se blottir contre la cheminée. La télé allumée nous livrera ses histoires et puis l'on ira dormir...

Mais lorsque j'étais une petite fille dans les années 50, le soir, les voisins arrivaient à la maison pour la veillée. Et tandis que le feu ondulait ses flammes rouge et jaune, que les châtaignes grillaient et que le vin rouge chaud remplissait les verres des messieurs, le cidre celui des dames, les belles histoires d'autrefois montaient avec les voix rocailleuses vers nos lits douillets là-haut, dans la chambre toute chaude et sombre.... Le sujet favori de ces soirées amicales était ... le Tour de France ! 

 

Celui  de 1950 occupa tous les esprits ! Nous allons donc le découvrir avec les yeux des vieux Pyrénéens....
 

Juillet 1950 : le Tour de France dans les Pyrénées

 

 

L’année 1950 passa tranquillement au gré du temps et des événements tant politiques que sportifs qui alimentaient les gazettes. Dès le mois de juin, les hommes entamèrent de longues discussions passionnées et établirent des pronostics sur le prochain … Tour de France !

 

Celui de 1949 ayant déchaîné les passions, le pays tout entier attendait cette épreuve avec impatience. A Bertren, on soutenait le français Robic contre Bartali bien évidemment.

Mais la plupart des hommes, ouvriers de l'entreprise de BTP Labardens et Francou, se trouvaient au Pic du Midi de Bigorre et écoutaient le résumé de toutes les étapes à la radio le soir.

 

Le mercredi 26 juillet, Jean-Marie Labardens leur donna un jour de congé pour qu'ils puissent assister à la course dans le col de leur choix. La joie fut générale et il n'y eut aucune défection. Ils se rendirent tous au sommet d'Aspin pour suivre la 12ème étape du 37ème Tour de France. La rivalité de l’équipe de Jean Robic et de celles des Italiens menée de main de maître par Gino Bartali occupa toutes les conversations le long de la route. Ce mercredi-là en haut du col, à chaque fois qu’un coureur italien se présentait, il était copieusement hué par la foule massée des deux côtés. Les femmes en short et les cheveux au vent n’étaient pas les dernières à manifester leurs préférences. La journée était chaude, le soleil un peu voilé ce qui accentuait la moiteur de l’été. Le peloton s’étirait et tout à coup, au sommet, Bartali se mit en danseuse et attaqua.

 

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Jean Robic

 

 

Robic qui avait réussi à remonter dans sa roue le suivit, la bagarre s’annonçait acharnée. Cela indisposa au plus au point certains spectateurs qui avaient pas mal picolé, les hurlements redoublèrent, des coups de poings furent échangés. Les coureurs italiens, pris à partie et craignant le pire, redoublèrent d’ardeur. Ils réussirent à traverser la foule en colère mais les soiffards surexcités se groupèrent pour former un barrage. En voulant l’éviter, Bartali fit tomber Robic qui s’accrochant à sa roue l’entraîna dans sa chute. Des spectateurs se précipitèrent pour les relever mais quelques excités s’imposèrent voulant donner « une bonne correction » au coureur Italien. Les chauffeurs des voitures suiveuses à coups de klaxon rageurs et en faisant hurler les moteurs, forcèrent le barrage obligeant les spectateurs à reculer. Les organisateurs et les spectateurs s’interposèrent, la confusion était totale et les coureurs en profitèrent pour s’esquiver.

 

 

L'abandon des équipes italiennes à Loures-Barousse

 

Les Bertrennais n’avaient pas participé aux "réjouissances", se contentant de regarder la scène depuis la bordure de l’estive surplombant la route. Ils étaient désolés, la course était belle, il allait y avoir une belle bagarre entre deux coureurs d’exception et voilà qu’à cause de quelques agités, cela se terminait par une débandade.

Malgré toutes ces péripéties, les Italiens, la rage au cœur, donnèrent tout ce qu’ils purent et Bartali gagna l’étape à Saint-Gaudens. Fiorenzo Magni endossa le maillot jaune.

Les deux équipes italiennes étaient logées à l’Hôtel de France à Loures-Barousse. Les coureurs arrivèrent l’air très renfrogné et visiblement fâchés. Ils furent accueillis avec les honneurs mais Bartali et son directeur sportif, Alfredo Brinda, après le repas, réunirent leurs coéquipiers dans un des salons. La discussion dura longtemps et lorsqu’ils sortirent, en public dans le parc, devant une foule de fans de cyclisme, Bartali annonça que les deux équipes refusaient de prendre le départ le lendemain matin. Le patron du Tour, Jacques Goddet, dépêché immédiatement et assisté d’Alfredo Brinda essaya de les faire changer d’avis mais rien n’y fit. Ils décidèrent de rentrer en Italie. Les Unes de tous les journaux de France et d’ailleurs relatèrent cet abandon collectif et par crainte de représailles de la part des Italiens, les organisateurs annulèrent l’étape Menton-San Remo.

Aux informations du soir à la radio, le speaker annonça les résultats de la course et l’abandon des équipes transalpines. Mon père et ses copains commentèrent l’attitude peu sportive et intolérante des spectateurs de l’après-midi en haut du col d’Aspin :

- Il faut toujours qu’il y en ait qui gâchent la fête ! Quand les cons voleront, ceux-là cacheront le soleil !

 

 

 

 

Tour de France 1950 Coppi et Bartali dans l'aspin.jpg

 

Fausto Coppi devant et Gino Bartali au second plan

 

 

L'arrivée au Parc des Princes

 

 

Le lundi 7 août, Jean-Marie Labardens fit cesser le travail durant la retransmission en direct à la TSF de l’arrivée au Parc des Princes. Le Français Emile Baffert gagna l’étape et le Suisse Ferdi Kübler, maillot jaune depuis Saint-Gaudens, le Tour de France.

Ma mère ne put s’empêcher de faire remarquer à une personne du village qui discourait sur le fait que - si l’on n’était pas capable d’accepter les critiques des Français, on devait rester à la maison et que si Bartali et ses « complices » avaient démissionné, cela avait fait de la place pour les autres, la preuve, c’était un français qui avait franchi la ligne d’arrivée le premierque ce qu’elle affirmait haut et fort, était vrai mais que cet abandon avait permis à un autre étranger de gagner le Tour de France ! Il était évident qu’il était un plus grand champion que le français Robic qui n’était même pas dans les 10 premiers du classement général.

 

La dame, fort opportunément, changea de conversation.

 

Abdelkader Zaaf

 

 

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Dès que les hommes furent revenus de leur chantier de l’été en octobre, la tradition des veillées recommença. Le Tour de France de 1950 avait laissé des souvenirs très forts. Outre la défection des équipes italiennes que tout le monde regrettait, cette agression dans le col d’Aspin fut un sujet de conversation durant les mois d’hiver. Mais les journaux avaient rapporté la « fameuse cuite de Zaaf » (Abdelkader de son petit nom) et les hommes en firent des gorges chaudes. Ils se rappelaient à chaque fois que la discussion portait sur cette fameuse étape du 24 juillet 1950, Perpignan-Nîmes, la mésaventure qui arriva à ce coureur algérien.

 

« L’Algérie, département français en 1950, présentait une équipe régionale portant le sigle AFN où deux coureurs Marcel Molinès et Abdelkader Zaaf se distinguèrent. Ce 24 juillet 1950, le parcours était « tourmenté » et le soleil tapait dur. Les deux champions attaquèrent et prirent seize minutes d’avance sur le peloton et la victoire à Nîmes semblait acquise pour l’un des deux après un sprint final. Zaaf réussissait à lâcher Molinès mais « assoiffé, il se saisissait d’un bidon tendu par un spectateur. Malheureusement pour lui, celui-ci contenait du vin. Coup d’assommoir pour le coureur qui, après s’être désaltéré, légèrement titubant, reprenait son vélo et repartait en sens inverse ».

Marcel Molinès gagna l’étape avec quatre minutes d’avance sur le peloton.

 

Les journaux colportèrent cette histoire que Zaaf ne démentit pas immédiatement car il fit ses « choux gras » de sa « fameuse cuite ».

La vérité finit par éclater et les rires se firent moins forts dans les chaumières. En fait, Zaaf « avait été pris d’un malaise dû à la chaleur, à la fatigue et à l’ingestion d’amphétamines et s’était écroulé au bord de la route. Des spectateurs, vignerons de leur métier, l’avaient adossé contre un platane et aspergé avec du vin pour le faire revenir à lui. Ils n’avaient pas d’eau sous la main. Zaaf reprit ses esprits mais complètement déboussolé, repartit en sens inverse et se trouva nez-à-nez avec la voiture balai. Il empestait le vin, tout le monde crut qu’il avait bu et la légende relayée par tous les médias, fit le bonheur de tous durant des mois ».

Zaaf était un musulman pratiquant et ne buvait jamais d’alcool mais sa mésaventure le fit entrer dans la légende du Tour et le rendit extrêmement populaire ».

 

Les commentaires allaient bon train, on supputait sur la véracité de la légende ou bien sur la réalité. Mais le visage rieur de Zaaf qui s’étalait dans les journaux réconciliait tout le monde.

 

 

Jackie Mansas

 

30 septembre 2016

 

 

Voir : http://www.berthomeau.com/article-la-legende-du-tour-la-fameuse-cuite-abdelkader-zaaf-et-sa-lanterne-rouge-en-1951-54231519.html

Les photos ont été copiées sur Google Images

 

http://www.lescapsbourrutdespyrenees.over-blog.com


01/10/2016
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